The hateful eight
C'est à la toute fin de l'année 2015 que ce huitième film signé Quentin Tarantino inonde les salles obscures américaines. Le long-métrage de presque trois heures divisera profondément la critique.
Un chasseur de primes envisage d'amener une dangereuse criminelle aux autorités d'une ville afin de recevoir une récompense en échange. Surpris par un blizzard, ils doivent s'arrêter dans un relais où se trouvent d'autres personnages énigmatiques. Entre mensonges, secrets, trahisons, hargne et rancœurs de la guerre de sécession, le huit-clos gagne en tension et en affrontements pendant le déroulement du long-métrage.
Par où commencer ?
Le film débute avec un habituel écran noir suivi d'une inscription : "Le 8ème film de Quentin Tarantino" puis du titre du long-métrage. Habile manière de prendre le spectateur pour un imbécile en considérant qu'il n'a pas compris le rapport numéral entre la filmographie du réalisateur et le chiffre du titre. Dès lors, le film n'est qu'un étalage d'auto-satisfaction mis en scène par Tarantino, pour le plus orgueilleux Tarantino qui soit.
Les films du réalisateur étaient, jusqu'alors, des hommages au cinéma agrémentés de scénarios exaltants, de musiques exceptionnelles et d'une signature Tarantino.
Dans "The hateful eight", la signature est bel et bien là . La photographie de Robert Richardson est d'une qualité irréprochable à tel point que les images et leurs lumières semblent déjà cultes avant même qu'on les ait découvertes. Le travail est absolument impressionnant et témoigne d'une attention artistique très particulière.
De même, les explosions d'hémoglobine et le langage châtié sont omniprésents. Mais ces éléments deviennent oppressants à partir du moment où le spectateur s'aperçoit que Tarantino ne le fait ni pour la qualité du film ni pour l'étoffer mais plutôt parce qu'il se sent obligé de le faire. Ce qui était singularité décuplée est désormais habitude lassante.
Composée par Ennio Moricone, la musique quasi-absente ne magnifie aucunement le résultat de l'équipe de réalisation et situe Tarantino bien loin du Sergio Leone pour lequel il semble se prendre. Concernant cette partition, seul le générique initial paraît à la hauteur d'une véritable scène de western.
Doit-on vraiment prouver la médiocrité du scénario et du montage ? Si les dialogues connaissent des extraits pointus et cyniquement drôles, leur lenteur absolue a un effet lassant, voire profondément navrant. L'obscénité poussive s'empare même parfois des répliques pour en faire un ramassis immonde de vulgarités. Le scénario est d'une banalité affligeante, figé entre les grandes lignes de "Réservoir dogs" (1992), les chapitres de "Kill Bill" (2003 et 2004) et la forme de "Django unchained" (2012). Mais, malheureusement, l'originalité n'est plus au rendez-vous et, pensant terminer son long-métrage en apothéose, Tarantino ne fait des derniers quarts d'heure du film que l'assemblement de réactions interminablement lentes. Le spectateur aura l'impression que le réalisateur se regarde lui-même dans sa splendeur donner de longue secondes de rire à Samuel L. Jackson, laisser traîner les répliques et manifester un style comme si c'était une preuve de génie.
Le montage en chapitres semble revenir à une époque où Tarantino était inventif et original, à des œuvres où chaque partie est une véritable identité, ce qui n'est manifestement pas le cas dans "The hateful eight". Les plans sont longs, les scènes parfois interminables et le résultat fade.
Le film, décevant au possible, est une œuvre anti-Tarantino : un long-métrage à mi-chemin entre la suffisance et la lassitude. Heureusement, la photographie est absolument merveilleuse et l'interprétation très intéressante. Erreur de parcours ou fin de l'humilité créative ? Tarantino qui se croyait persuadé de réhabilité le western aura fini par enterrer jusqu'à sa propre vision du genre.