Mamma mia !
Vous aimez les films originaux, bien réalisés ? Vous leur préférez peut-être les personnages profonds et les partitions soignées ? Ou bien admirez-vous qu'un scénario vous fascine et qu'une direction de la photographie vous impressionne ? Parfait ! Passez votre chemin.
"Mamma mia !" est une comédie musicale, avec un budget de 50 millions de dollars, basée sur les chansons du groupe suédois ABBA et sortie le 18 juillet 2008 (c'est à dire le même jour que "The dark knight" de Christopher Nolan) sous la direction de Phyllida Lloyd. Chose très surprenante au regard de ce film, c'est la première réalisation de Lloyd, une personne davantage dirigée sur les comédies musicales de scène et la télévision. De toute évidence, elle aurait pu s'abstenir, comme nous allons le voir dans les prochains paragraphes, même si le film est en partie produit par d'anciens membres du groupe.
L'histoire est on ne peut plus simple : une jeune fille va se marier. A l'occasion, elle invite les trois hommes dont l'un est susceptible d'être son père sans qu'elle sache lequel car ces trois personnes sont d'anciennes connaissances de sa mère, Donna. Mais il y a une recette particulière dans la tête de Phyllida Lloyd : on met trois jeunes filles survoltées, trois quinquagénaires délurées, trois hommes grotesquement clichés, une bande d'adolescents qui dansent dans tous les sens, puis on leur fait chanter des succès populaires dans des situations ridicules alors qu'ils n'en ont pas le talent, et le tour est joué !
En plus de s'enchaîner sans la moindre cohérence ni la moindre finesse, les chansons d'ABBA semblent très fausses dans ce scénario. Qui plus est, le film témoigne d'un manque certain de créativité car, entre les différents titres, le long-métrage ne présente pas la moindre bande-originale sans rapport avec le groupe, c'est pourquoi de nombreux passages ne comprennent pas de musique. En plus de cela, pour ceux qui verront le film en Français, le doublage est insupportable car les paroles ne sont pas calées sur les mouvements des acteurs et les voix sont complètement différentes de la version originale alors que les chansons sont jouées en anglais. Néanmoins, il faut bien avouer que la version originale impose de subir les voix de ces chanteurs improvisés. De deux maux le moindre.
Avec un naturel évident, tous les personnages sont éclatés de rire quasiment du début à la fin. Les passages restants, des larmoiements surjoués viennent s'inviter dans le jeu des acteurs. Les stéréotypes sont maîtres en cette demeure et le sur-jeu est partout à l'appui du vide scénaristique. Quand les personnages ne semblent pas revenir à des états enfantins, immatures et délicats, le film ajoute des réactions d'adultes allant parfois jusqu'à l'obscénité.
D'un point de vue photographique, en dehors d'un filtre à étoiles au début et de filtres jaune et bleu à la fin, le film ne transpire pas la recherche visuelle. D'ailleurs, d'un point de vue touchant à la réalisation, le long-métrage ne rentre pas dans le firmament du 7ème Art. Pas plus d'originalité que de singularités. On ne relèvera pas les ralentis disgracieux ni les enchaînements de séquences sans logique. Le tout cumulant dans la grossièreté de la réalisation avec le titre "Waterloo" qui, étant inutilisable dans le thème du scénario, est ajouté en plein milieu du générique avec tous les personnages principaux du film costumés en habits des années 1970 dans une situation semblant sortir de nulle part.
Une question semble alors intrigante : comment Meryl Streep, Pierce Brosnan, Stellan Skarsgard et Colin Firth ont pu se laisser entraîner dans cette mascarade cinématographique ? Laquelle mascarade n'avait qu'un seul objectif : immortaliser la comédie musicale scénique dirigée par la même Lloyd quelques années auparavant. En vain.
Afin de conclure, nous allons évoquer deux scènes qui illustreront les précédentes remarques. La première est la scène de la chanson "Does your mother know ?" où l'on voit l'actrice Christine Baranski jouer les couguars au milieu d'une bande de jeunes. Lors d'un passage, elle s'accroupit devant un acteur et sort du champ pour suggérer une fellation tout en laissant sa main chatouiller le cou de l'acteur masculin qui se met alors à chanter le "Take it easy, better slow down girl" de la célèbre chanson. Puis la chorégraphie reprend de plus belle. Sur une scène, la situation aurait été osée mais évidemment factice et drôle. Dans le film, elle est simplement obscène car le hors-champ ne permet pas de mise en scène fantaisiste sur un geste pareil.
Dans la seconde scène, celle du titre "Lay all your love on me", on assiste à une scène sensuelle entre deux jeunes protagonistes à coups de lèvres mordillées, de caresses et de jeux de séduction, puis une bande d'amis arrive et se met à danser de manière hystérique avec des palmes aux pieds et à faire n'importe quoi sur un ponton. Puis on voit un groupe de quatre personnes danser bras dessus-dessous tandis qu'un cinquième protagoniste, juste à côté d'eux, mime une levrette accompagnée de plusieurs fessées.
Dans les deux cas, l'obscénité s'empare d'un spectacle supposé familial pour redevenir ensuite complètement immature. On remarquera aussi que les plans s'enchaînent sans logique puisque les personnages ne sont pas dans la même situation d'un plan à l'autre. Exemple dans la première scène : l'actrice danse au milieu du groupe puis apparaît dans le plan suivant avec des lunettes de soleil et un verre à la main. Exemple dans la seconde scène : l'actrice est abandonnée sur la plage et se retrouve trois secondes plus tard en haut d'un rocher. De plus, un plan très bref laisse apparaître un filtre orange qui disparaît ensuite à tout jamais, témoignant d'une fantaisie inutile et décousue.
Ce film n'est qu'une succession d'une vingtaine de bonnes chansons originales éparpillées sur une heure quarante cinq en une avalanche de niaiserie afin de faire oublier la médiocrité d'un scénario qui se révèle finalement n'être qu'un prétexte. Prétexte à quoi ? A faire de l'argent sur un répertoire populaire. Et certainement aussi à contribuer au massacre de titres entrés dans la postérité.
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