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Pirates des Caraïbes 5 : La vengeance de Salazar

 

   Sorti en France le 24 mai 2017, ce cinquième film de la célèbre saga produite par Disney et Jerry Bruckheimer fait part d'une réelle rupture avec les trois premiers opus, lesquels étaient profondément liés. En dehors de la rupture scénaristique, on remarquera que la réalisation n'est plus tenue par Gore Verbinski mais par un duo norvégien, que les scénaristes ont été changés et que Hans Zimmer n'est plus le compositeur.

 

   Dans ce cinquième film, le Capitaine Salazar et son équipage, prisonniers d'une malédiction qui retient leurs cadavres dans une zone de mer restreinte en les maintenant en vie, souhaite éliminer Jack Sparrow, le véritable responsable de leur situation. Pendant ce temps, le fils de Will Turner et d'Elizabeth Swann, Henry Turner, tente de retrouver le Trident de Poséidon, seul objet capable de mettre fin au sort dont son père est prisonnier.

 

   D'abord, on remarque que la construction scénaristique témoigne d'une profonde rapidité mais s'engouffre parallèlement dans un manque de rythme. Ou du moins dans un rythme profondément inégal. La première heure du film (sur deux heures et neuf minutes au total) est divisée en un enchaînement de scènes, les unes préparant l'intrigue, les autres étant dédiées à des sketches principalement axés autour de Jack Sparrow. L'intrigue patine, l'humour est beaucoup trop présent d'un côté tandis que l'élément dramatique du film est supposé monter en puissance de l'autre, et la profondeur du personnage s'amenuise pendant que les longues minutes s'enchaînent.

 

   Comme si cela ne suffisait pas, l'humour, omniprésent dans les trois premiers films de la franchise, refait surface avec des gags visuels plutôt efficaces et des répliques amusantes mais se transforme par moments en une excuse pour combler l'absence de fond. Dans les opus précédents, l'objet central du film était expliqué, on avait un regard sur sa complexité et son importance. Dans ce long-métrage, on parle très peu du Trident, on ne sait pas comment il se retrouve ici, on ignore ses pouvoirs et on ne sait pas comment il fonctionne. Quand on rajoute à cela des scènes outrageusement poussives en plein milieu de la deuxième heure du film sans qu'elles aient des rapports avec l'intrigue, on entre dans un décalage humoristique qui ne sert pas l'oeuvre.

 

    La focalisation sur des personnages devenus obsolètes comme un Jack Sparrow dépossédé de sa personnalité surprenante au profit d'un ivrogne notoire qu'on ne reconnaît plus nulle part dans les endroits où il s'arrête, ou comme un Hector Barbossa devenu le pacha des océans dans une course à la sophistication, se sert pas le développement global des protagonistes. Les nouveaux introduits dans ce film se noient dans ce sentiment permanent de nostalgie qui pousse, comme souvent dans les grandes productions hollywoodiennes récentes, à un abus de références au détriment de nouveaux développements qui manquent cruellement à l'intrigue.

 

   Dans le premier film, il ne suffisait pas de plus de quelques minutes pour s'attacher aux personnages et comprendre la psychologie d'une Elizabeth Swann enfermée entre deux conditions ou d'un William Turner voyant malgré lui sa nature renier tous ses principes. Ici, les nouveaux protagonistes n'ont aucune profondeur. Henry est uniquement présent pour sa quête du Trident, John Scarfield est un simple militaire quand Cutler Becket renvoyait l'image d'un être obsédé par l'épuration des pirates et le contrôle des eaux, et Salazar poursuit simplement Sparrow sans le tuer lorsqu'il en a l'occasion là où Barbossa, Davy Jones puis Barbe Noire poursuivaient des quêtes qui étaient la finalité de leur existence depuis des décennies.

 

   Le présent paragraphe contient des révélations sur le film afin de pouvoir mettre le doigt sur de nombreuses incohérences scénaristiques. Si vous ne voulez pas les connaître, passez directement au suivant. Vous aussi vous vous rappelez que c'est par Tia Dalma que Sparrow a obtenu son fameux compas ? Négatif ! Le film vous en donnera une version différente. Vous pensez que, cet Henry ayant une vingtaine d'années, tous les personnages du films auront vieilli de vingt ans ? Négatif ! Gibbs et Barbossa n'ont pas pris une ride, Sparrow n'a pas un cheveux blanc et tous les autres protagonistes ont l'air d'avoir été cueillis à la fin du troisième film pour revenir directement dans ce cinquième opus. De plus, si, comme nous l'apprend le film, la recherche du Trident est la quête principale de la vie de Barbossa au point qu'il se soit fait tatouer la carte de son emplacement, pourquoi avoir écumé les océans pendant des années afin de retrouver une par une toutes les pièces du trésor de l'île de la Muerta pour rompre le sort alors qu'il lui suffisait d'achever sa quête du Trident ? Pourquoi la Confrérie des pirates a t-elle préféré rendre Calypso humaine avec un rite plutôt que de trouver le Trident et de le détruire pour réduire à néant ses pouvoirs ? Pourquoi Davy Jones, qui pouvait aller où bon lui semblait à la surface ou sous la surface des océans a préféré mener une existence de malheur plutôt que de détruire le Trident pour détruire la malédiction de Calypso et la détruire par la même occasion ? Pourquoi avoir inventé une fille à Barbossa si ce n'est pour dramatiser la mort de ce dernier ? Pourquoi la proue du bateau de Salazar s'anime alors que cela n'est justifié par aucun élément de la malédiction ? Le film laisse un lot d'énigmes illogiques par facilité et par manque de développement.

 

    Outre la qualité de la musique, principalement reprise des thèmes de Zimmer, qui donne de grands moments à cette maigre réalisation, et la qualité des effets visuels, véritable totem de la saga, on se trouve projeté dans une suite commerciale dont le vide est comblé par un enchaînement rapide de scènes et non par une construction scénaristique qui puisse fasciner. Pourtant, il aurait pu y avoir tant à faire autour de Poséidon, d'un élément qui aurait pu relier tous les sorts et les créatures dont parle la saga depuis son commencement, sans compter que la scène post-générique semble casser tout ce que le film affirme et que le titre français laisse bien moins de significations possibles que le titre original : Dead men tell no tales.

 

    Dead film series tell no tales.

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