La poison
Ce film sorti en 1951 achève la troisième dizaine des longs-métrages réalisés par Sacha Guitry. Il a, pour "La poison", la charge de la direction, de l'adaptation, du scénario et des dialogues. L'histoire racontée par cette comédie cynique est celle d'un mari et d'une femme projetant secrètement de s'assassiner mutuellement.
Le film s'ouvre sur une scène peu banale qui révèle la particularité de la réalisation menée par Sacha Guitry : l'artiste en personne passant de pièce en pièce afin de présenter toute son équipe, du rôle principal aux opérateurs en passant par les musiciens ou la script-girl. Ayant un commentaire pour chacun, il s'attache à mettre en valeur leurs participations respectives avec élégance et humour.
Les dialogues sont, à n'en pas douter, d'une qualité à la fois subtile dans leur construction et vulgaire dans leur matérialisation. Les scènes les plus mordantes sont assurément les plus graves et font écho à des situations totalement pathétiques qui évoquent l'alcoolisme, la misère sociale, l'individualisme et la réussite personnelle. La justice, la religion, la célébrité et la politique sont ainsi tournées en dérision par des personnages aux répliques sottes et grivoises.
L'interprétation est servie par une distribution d'une justesse époustouflante avec un Michel Simon remarquable à la tête du film. Par ailleurs, le spectateur pourra remarquer le petit rôle d'André Chevillard, tenu par un jeune acteur alors inconnu mais se prédestinant à une longue carrière sous le nom de Louis de Funès.
Si l'image trahit un travail peu approfondi de la part de la direction de la photographie, le montage révèle quant à lui un enchaînement – et parfois une superposition – de situations pétries dans l'humour le plus noir et ciselées avec un talent délicieux par Sacha Guitry, faisant de ce film une comédie profondément acide et rythmée par une musique aux tonalités chantantes comme s'il s'agissait d'une dernière provocation de la part du réalisateur.