Le train sifflera trois fois
En 1952, Fred Zinnemann prend la réalisation pour un film dans lequel Gary Cooper interprète le rôle de Will Kane, le marshall d'une petite ville américaine du far west errant dans le but de trouver des habitants prêts à affronter avec lui un gangster emprisonné par ses soins depuis plusieurs années et devant revenir par le train de midi car libéré de manière anticipée.
La force du scénario est de se dérouler en temps réel. Le film commence alors qu'il est dix heures quarante-cinq et s'achève juste après l'arrivée de Frank Miller et il s'avère que le long-métrage dure une heure vingt-cinq. L'angoisse du spectateur monte avec celle des personnages grâce à des plans réguliers sur une pendule. De plus, Gary Cooper ne cesse de passer de bâtiment en bâtiment et de salle en salle ce qui, même s'il passe par l'extérieur, renforce l'impression d'oppression et le sentiment qui consiste à ne voir qu'un personnage tournant en rond autour de la fatalité.
Gary Cooper est, à l'écran, accompagné par Grace Kelly. Leurs talents d'interprétation se mesurent à chaque scène même si le scénario ne permet pas la moindre complexe composition. La subtilité du film demeure dans le rassemblement de très nombreux personnages dont les humeurs, les réactions, les attitudes et la violence oscillent et varient selon l'avancement de l'heure. Le visage, désormais familier à l'univers du cinéma, de Lee Van Cleef accompagne le personnage de Frank Miller dans sa quête de vengeance et apporte un je-ne-sais-quoi de pur western dans ce film à cheval entre le grand air du far west et le huit-clos psychologique.
En toile de fond, le célèbre morceau "Si toi aussi tu m'abandonnes" chanté par John William ramène le spectateur à l'angoisse omniprésente lorsqu'il serait tenté de s'envoler dans l'univers envoûtant du film.
Les plans nets et expérimentés avec lesquels le long-métrage est capturé renforcent la rudesse de l'oeuvre et contribuent à l'immense qualité de ce grand film qui, à n'en pas douter, est à voir absolument pour comprendre ce qu'est un mélange des genres cinématographiques à l'intérieur d'un film appartenant pourtant sans condition à l'un d'entre eux.