Shame
C'est le 4 septembre 2011 que le festival du film de Venise découvre l'oeuvre qui est désormais la deuxième de la filmographie de Steve McQueen. C'est avec son rôle de première importance que Michael Fassbender a remporté nombre de récompenses mais, étrangement, aucune des plus prestigieuses. Le réalisateur McQueen n'a d'ailleurs obtenu aucun prix pour son travail sur "Shame".
Pourtant, c'est un travail très fin que livre le réalisateur à travers ses plans et ses choix de caméras, à eux seuls explicites, pour retranscrire l'histoire de Brandon, un trentenaire obsédé par le sexe voyant sa sœur débarquer dans sa vie et lui imposer sa présence. La place des caméras dans l'action suffit souvent à évoquer l'humeur et la pensée des personnages. Cette prouesse est probablement l'un des seuls éléments sauvant "Shame".
Sean Bobbitt, directeur de la photographie, livre lui aussi un impeccable travail, alliant l'élégance esthétique à la violence des rapports entre les personnages avec un savoir-faire exceptionnel. La douceur, la délicatesse, les couleurs et la lumière présentent une surbrillance déroutante qui, au bout d'un certain temps, devient froideur et rigueur. Le personnage de Brandon se mêle alors avec son univers comme s'ils ne faisaient qu'un et inspirent au spectateur l'illusion d'une confusion indestructible entre les deux.
En ce qui concerne la partition, elle s'allie, quant à elle, avec les dialogues afin de contribuer à leur néant le plus pathétique. Se croyant fins, ces deux éléments brillent par leur laconisme exacerbé. Ainsi l'on ferait tenir l'ensemble des dialogues sur une vingtaine de pages et les notes de piano semblent se laisser désirer tandis qu'on préférerait même ne pas les entendre.
L'harmonie des formes, très agréable, fait vite place au vide laissé par la musique et les dialogues de sorte que les passages qui se voulaient subtils et beaux se révèlent finalement longs et ennuyeux. "Shame" arbore alors, fort malheureusement, des airs de ce cinéma surfait qui aime se regarder dans le miroir pour s'admirer sans pour autant resplendir.
L'intérêt du scénario réside dans la relation profondément froide entre les personnages, sorte de relation passivement consommée. Michael Fassbender livre parfois une interprétation profondément exceptionnelle, usant de son visage pour traduire efficacement ce qui prendrait trop de temps à dire, se servant de ses mimiques pour exprimer des sentiments. Là réside la véritable subtilité du casting. Par ailleurs, on peut aisément saluer Carey Mulligan pour l'interprétation de Sissy, particulièrement durant le passage de la chanson "New-York, New-York".
En définitive, "Shame" est un film soigné mais malheureusement trop peu profond pour paraître complètement subtil. Il appartient à la famille des œuvres du 7ème Art dont le génie tombe souvent à plat par suffisance.