L'abominable docteur Phibes
Le 18 mai 1971, Robert Fuest dévoile son quatrième long-métrage qui aborde les thèmes de la responsabilité médicale, du mysticisme et de la vengeance.
Dans ce film mélangeant un thriller angoissant et une comédie britannique, des médecins meurent successivement dans des conditions très étranges et inhabituelles. Les enquêteurs vont s'apercevoir qu'ils ont, par le passé, tous travaillé sur un même sujet décédé entre leurs mains. Les répliques humoristiques des personnages d'outre-manche font face à des situations et une enquête dont on imagine la rudesse capable de classer ce film parmi le genre de l'horreur au moment de sa sortie en salles. Dialogues absurdes et scènes morbides se font face en alliant, par exemple, un échange comique et l'exhumation de deux cercueils.
Le film s'ouvre sur une séquence musicale d'exception. Tandis que le générique se présente au spectateur, un homme encapuchonné et vêtu de noir joue une grandiose partition d'orgues dans un décor à la fois somptueux, mystérieux et symétrique qui fait démarrer le long-métrage sur une note de raffinement et d'élégance. Judicieusement choisies, les couleurs s'allient à des décors travaillés avec soin et précision afin d'aboutir à une harmonie tant visuelle qu'auditive.
La direction de la photographie, menée par Norman Warwick, est un habile équilibre entre des couleurs symboliques récurrentes comme le rouge, le blanc et le noir, et des décors souvent fastueux ou du moins très richement arrangés. Rappelant le sang, le rouge envahit l'écran dès la première scène avec l'ornement des orgues et se retrouve lors de nombreux passages du film. L'obscurité relève la trame extrêmement lugubre du scénario tout en s'opposant à un blanc omniprésent qui rappelle la dualité des personnages et de leur psychologie.
Dans ce film, Basil Kirchin est en charge de la direction musicale. Les partitions choisies sont d'une majesté impressionnante. Véritable pièce maîtresse du long-métrage, la bande-son livre des passages mystiques et d'une qualité comme rarement on peut en trouver dans le cinéma des années 1970 ou dans le genre de l'horreur. Entre la douceur d'un violon récurrent et la noblesse des orgues omniprésentes, le film se situe dans un vortex musical d'une profondeur savoureuse. Comble de tout, le générique final se termine avec un petit rire de Vincent Price, l'acteur principal, lequel fera penser au spectateur la fin du titre "Thriller" de Michael Jackson.
A propos de Vincent Price, on remarquera que la réalisation se charge de mettre en valeur sa voix, sans pour autant faire parler l'acteur, en diffusant des enregistrements. Le visage fermé et sévère de Price est ainsi utilisé dans un cadre d'angoisse permanent et de déshumanisation. Dans le casting, on notera la présence d'un Joseph Cotten usé mais juste et d'un Peter Jeffrey à la hauteur des comédies absurdes britanniques.
Enfin, au sujet de la mise en scène, on notera que le réalisateur prend soin d'installer les personnages dans des décors subtilement arrangés afin de mettre en valeur à la fois leur psychologie mais aussi l'état d'esprit dans lequel ils se trouvent. Les troubles et les doutes sont matérialisés par des lieux sombres ou angoissants tandis que les moments d'apothéose du docteur Phibes se retrouvent valorisés par des décors riches et intensément travaillés.
Ce film est une perle rare du genre de l'horreur et un petit bijou bien particulier de la filmographie de Vincent Price. Mélange de psychologie solide et d'ambiance inquiétante, le long-métrage allie toutes les facettes de la réalisation jusqu'à en tirer le meilleur.
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