Alien : Covenant
Le 10 mai 2017, la France découvre la nouvelle réalisation de Ridley Scott, laquelle est supposée succéder à "Prometheus" sorti en 2012 et précéder le déroulement du premier film de la saga "Alien" (1979). Dans ce nouvel opus, on retrouve le vaisseau Covenant transportant plusieurs milliers de colons humains vers une planète habitable pour une mission de peuplement. Au cours du voyage, le vaisseau est frappé par un aléa qui fait sortir l'équipage de son sommeil cryogénique. Recevant un message brouillé d'une planète bien plus proche que celle sur laquelle ils devaient établir leur communauté, les colons décident finalement d'aller s'établir sur la plus proche des deux dans la mesure où elle possède une atmosphère habitable. Malheureusement, un parasite y est répandu, prêt à modifier les codes génétiques de ses porteurs et ainsi engendrer de véritables créatures cauchemardesques en des temps records.
N'importe qui aura pu le remarquer, rien de ce que raconte ce scénario n'est crédible. Un équipage scientifique déciderait-il vraiment de changer de cap sur un coup de tête pour ne pas avoir à retourner en cryogénisation alors que leur objectif initial a été étudié depuis des années ? Les colons sortiraient-ils vraiment sans casques dans un écosystème inconnu et sans en avoir étudié les multiples risques sanitaires ? Un membre se mettrait-il à fumer un cigare à côté d'une scientifique en plein relevé d'échantillons sur une planète dont l'écosystème lui est inconnu ? Une entreprise enverrait-elle une mission dangereuse et potentiellement mortelle en ne faisant embarquer quasiment que des scientifiques en couple avec d'autres membres de l'équipage ? De réelles personnes formées pour de telles missions se mettraient-elles en danger avec autant de naïveté et de décisions irrationnelles ? Et la liste serait longue.
D'incongruités en improbabilités, le film se déplace comme un amoncellement de clins d'oeil à l'univers d'Alien et d'éléments repris au long-métrage de 2012 en essayant de corriger certains points demeurés trop flous. Ici, les explications confisquées au spectateur dans "Prometheus" virent en étirements de concepts et de remises en questions intéressantes sur la création, non seulement au sens de la création des espèces dont l'humanité, mais aussi au sujet des créations artistiques et matérielles et de leurs imbrications. Le sujet de fond est ainsi mieux amené que dans l'opus précédent avec une thématique du viol toujours omniprésente et renforcée par un gore très appuyé.
Malheureusement, ni les personnages ni les acteurs ne permettent d'avoir un réel attachement à l'histoire ou à l'évolution des protagonistes. Lorsqu'on arrive au sixième film de la seule saga Alien, on sait que, pour la quasi-totalité, les personnages vont mourir dans d'atroces souffrances, peuvent voir leur corps être pénétré par un organisme extraterrestre et un autre en sortir, ou se résoudre à fuir. Quel suspense ? Quel intérêt de raconter encore une fois la même trajectoire d'un équipage que dans les films précédents ? Quelle importance peut-on accorder, de surcroît, à un film qui efface l'ambiance pesante et confinée du Nostromo pour finalement fixer son décors dans un cadre où les personnages peuvent agir avec la plus grande imprudence doublée d'une permanente stupidité tout en ayant une probabilité de survie ?
Ce qui faisait la tension du premier film de la saga, c'était le vide spatial au dehors avec le danger de la mort au dedans. Les scientifiques se retrouvaient dépassés par les événements alors qu'ils agissaient selon des pratiques rigoureuses et avec des réactions rationnelles et crédibles. La créature terrorisait alors car elle donnait l'impression que la situation dans laquelle l'équipage se trouvait se drapait d'une sorte de fatalité. Lorsque chaque action relève d'une pure incompétence scientifique, que les personnages ne manifestent pas l'ombre d'un développement psychologique, qu'ils agissent sans considérer un instant leur entraînement ou leurs études et qu'on est davantage dépassé par leur bêtise que par leur charisme, peut-on redouter leur mort ou leur attribuer une once de fatalité ?
Sur le plan visuel, le film est propre et les effets spéciaux sont soignés, travaillés avec précision même si la réalisation aurait pu être menée par n'importe qui d'autre que Ridley Scott tout en aboutissant au même résultat. En dehors de certains plans efficaces comme celui durant lequel on voit Walter marcher, au début du film, dans un couloir du Covenant selon une trajectoire perpendiculaire à la caméra, et de quelques autres passages, le long-métrage relève d'une facilité artistique.
Un gore omniprésent pour effacer l'inconsistance du suspense, de l'action pour tenter de faire oublier combien les incohérences scénaristiques parasitent l'histoire que suivent les protagonistes, des personnages servant d'excuse à des scènes de souffrance et de massacres : on peut légitimement se demander si Ridley Scott aurait dû persister à réaliser des longs-métrages après l'an 2000.