Kong : Skull Island
C'est le 10 mars 2017 que ce film est dévoilé, ouvrant une voie cinématographique nouvelle pour les kaiju issus de la culture japonaise. Non contents d'avoir produit un "Godzilla" (2014) très lucratif, Legendary Pictures a décidé de racheter les droits de King Kong afin de lancer une franchise baptisée très originalement du nom de MonsterVerse, dans la lignée du Marvel Cinematic Universe dont on connait la propension à la qualité.
La réalisation a été confiée à un réalisateur jusqu'alors inconnu sur le grand écran, Jordan Vogt-Roberts. Au regard du résultat, on comprend que la société de production aura voulu garder sous sa coupe un certain nombre de choix. Le scénario une fois revu par Legendary Pictures est le suivant : à la fin de la guerre du Vietnam, une équipe scientifico-militaire américaine se rend sur une île du Pacifique, entourée d'un cyclone qui empêche toute communication entre l'intérieur et l'extérieur, dans l'espoir d'y retrouver des ressources et des créatures inconnues.
C'est donc sur une base de grande démarche artistique qu'est né ce projet très simple concernant à réécrire l'histoire de King Kong : trafiquer les dimension du célèbre singe afin de le préparer à un futur affrontement contre d'autres kaiju, supprimer le développement des personnages, abandonner les passages dans New-York rapprochant nature et culture, déplacer la temporalité de l'histoire et présenter des dialogues au niveau zéro de l'interaction sociale.
En premier lieu, véritable point faible du film, on retrouve le jeu des dimensions. Ne pouvant présenter un singe trop grand dans la mesure où il n'aurait aucun contact avec les engins ou les êtres humains mais ne pouvant pas non plus accoucher d'un singe trop petit pour pouvoir plier à l'avance le futur affrontement contre Godzilla, l'équipe de production a donc décidé de ne pas trancher. C'est ainsi que le spectateur va pouvoir découvrir un primate dont l'œil fait – au début – la taille d'un hélicoptère et dont la taille dépasse les sommets (comme le montraient les affiches promotionnelles), pour ensuite redécouvrir le même primate se promenant entre les pics et dont la distance séparant les yeux de la bouche fait finalement la taille d'un être humain.
Du côté des personnages, on ne se situe pas dans un niveau bien plus élevé. Les différents protagonistes semblent ne pas avoir évolué du début à la fin de l'histoire, les dialogues paraissent avoir été tirés d'un distributeur à répliques banales et affligeantes de clichés, et la psychologie des personnages est quasiment mise à l'écart. Le terme "quasiment" ne compte que pour les spectateurs considérant que développer un militaire fou furieux et un scientifique obsédé est une preuve de travail psychologique.
Véritable point positif du film, le spectateur pourra profiter d'une photographie renversante par son traitement informatique et la mise en avant des palettes qu'elle constitue. On relèvera de nombreuses scènes dans lesquelles la nature semble tour à tour inquiétante par la fadeur claire de ses couleurs puis inquiétante par l'aspect éclatant de ses tons. Cet élément du film permet de fixer certaines scènes dans le style malgré une mise en scène extrêmement proche du cliché, dont fait partie le passage de Tom Hiddleston se battant dans les panaches de fumée multicolores.
On remarque aussi que de nombreux plans témoignent d'une mise en scène soignée qui, par moments, donne un véritable et splendide sens du spectacle, à l'image des plans aériens filmés verticalement vers le sol afin de mettre en valeur la formation des hélicoptères. Certains d'entre eux forment aussi des références à d'autres films de guerre, comme si le réalisateur souhaitait faire changer King Kong de genre cinématographique. Par exemple, l'attaque des hélicoptère rappelle de manière décomplexée "Apocalypse now" (1979) de Francis Ford Coppola et l'utilisation de la chanson "We'll meet again" interprétée par Vera Lynn reprend la bande-son du générique final de "Docteur Folamour" (1964) de Stanley Kubrick, lui aussi porté sur des sujets concernant le nucléaire.
Le symbole de ce quasi-déplacement de Kong vers le film de guerre se matérialise par le personnage pitoyable joué par Samuel L. Jackson. On se demande assez rapidement comment une telle distribution peut être servie par des dialogues aussi affligeants. John Goodman, entre autres, livre une prestation largement au-dessus du niveau général du script et compense par son charisme indubitable la pauvreté de caractère des personnage et leur psychologie délaissée.
On peut remarquer finalement combien le film comporte d'imperfections. D'abord parce qu'il a été financé pour de mauvaises raisons, d'autre part parce que le financement a pris trop de décisions dans la création de cette œuvre à variation artistique. Démontrée depuis bien longtemps, la production cinématographique à unique but lucratif possède des défauts largement identifiés. Ces limites s'illustrent jusqu'à la scène post-générique qui annonce avec si peu de finesse la suite du MonsterVerse que l'implication financière des sociétés de production en devient profondément grossière.
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