le tout nouveau Testament
Le cinéma belge francophone a accouché d'un nouveau long-métrage signé Jaco Van Dormael. Dans ce film, Benoît Poelvoorde incarne Dieu, un type crade et beauf enfermé dans un appartement où il bride sa femme, bat sa fille et passe ses journées à établir des règles pour rendre l'humanité malheureuse, et tout cela à Bruxelles. Un jour sa fille décide d'envoyer aux individus leur date de décès afin qu'ils n'aient plus peur de Dieu et que le pouvoir lui échappe complètement, après quoi elle descend dans le monde réel où son père va tenter de la retrouver.
Le scénario intrinsèquement surréaliste réalise le coup de force de surprendre encore davantage grâce à une direction de la photographie d'un rare talent. L'équipe menée par Christophe Beaucarne réalise un travail précis, subtil, bourré de précisions judicieusement ordonnées. Les matériaux s'entrechoquent de pièces en pièces, chacune ayant de surcroît sa propre lumière, son propre ordre, sa propre décoration. D'endroits modernes et à dominance blanche, on passe à des pièces de vie sombres, lugubres, et chargées puis à de splendides plans en extérieur. Chaque place contient son lot de symbolique et charrie son message.
Les flous artistiques se mêlent aux ralentis et aux longues scènes contemplatives où les acteurs sont laissés devant la caméra pour des moments magnifiques et délicats. Telle est l'apport de la réalisation, en plus des réguliers plans en plongée et en contre-plongée.
Au sein du casting, une véritable diversité se partage l'interprétation pour créer une œuvre réunissant des personnages profonds, tour à tour tendres, pathétiques, graves ou violents. Le travail réalisé par les acteurs est à la fois admirable et talentueux.
Le scénario, complexe et alliant des sujets très différents, provoque une réflexion sur la vie, la foi, la religion, la mort, Dieu, le manichéisme, la peur, la conscience de soi, l'auto-emprisonnement et la libération de l'esprit. Le film est un chef d’œuvre absolu additionnant beauté, subtilité, profondeur et puissance. Le génie y côtoie le talent et l'originalité la jouissance artistique afin de former une esthétique remise en question.