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A bras ouverts

 

   Le 5 avril 2017 est dévoilé le nouveau long-métrage de Philippe de Chauveron, réalisateur entre autres de "Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?" (2014) et des récentes adptations de Ducobu, qui aura fait couler beaucoup d'encre. Entre mauvaise interprétation, message biaisé, accusations de racisme et de xénophobie, on ne peut pas dire que la sortie de "A bras ouverts" soit précisément passée inaperçue.

 

   Ce film écrit à quatre mains raconte l'histoire de Jean-Étienne Fougerole, un intellectuel universitaire de gauche dont la médiatisation l'amène à écumer les plateaux de télévision. Un jour, au détour d'un débat face à un adversaire politique dont on devine la proximité avec l'extrême-droite, ce dernier pousse Fougerole à accepter d'accueillir une famille de Roms chez lui afin de prouver ses thèses d'ouverture d'esprit.

 

    Le point le plus évident est que les acteurs semblent ne pas croire une seconde à leur personnage. Christian Clavier n'incarne à aucun moment son protagoniste et demeure Christian Clavier du début à la fin, Elsa Zylberstein tente d'interpréter une caricature poussive et vidée d'épaisseur tandis que Ary Abittan joue de manière crédible un personnage qui accrédite toutes les thèses racistes que le film est supposé combattre.

 

    En plus de constituer un scénario extrêmement simpliste à l'image de nombreuses comédies françaises et du travail photographique de ce film, les dialogues relèvent d'une faiblesse alarmante. Lieux communs, calembours poussifs, gags outranciers et cent mille fois revus : le script de ce film possède l'immense désavantage de desservir le long-métrage en allant dans la direction opposée à son objectif initial.

 

    Pour faire une rapide analyse sur les conséquences du film, il faut préciser qu'une boutade traitant du racisme va dans le sens de l'anti-racisme si elle respecte plusieurs points. D'abord, elle doit être subtile, comme toute chose basculant aisément dans la dangerosité. Ensuite, elle doit faire en sorte que le personnage la prononçant paraisse être injustement stupide ou franchement antipathique. Enfin, elle ne doit naturellement pas être attendue par le public dans le sens où elle servirait une idéologie raciste. Tous ces détails forment les raisons pour lesquelles Dieudonné connaît autant d'oppositions mais que Pierre Desproges est admiré pour la qualité de son écriture.

 

   Force est de constater que le film passe à côté de tous ces critères. Les personnages sont de véritables caricatures qui plongent davantage dans la maladresse que dans l'antipathie, passent pour des intellectuels ouverts d'esprit tout en véhiculant des clichés profondément ridicules, et relaient des réflexions racistes justifiées par le comportement des personnages visés. De cette manière, comment s'opposer aux remarques xénophobes du couple Fougerole lorsqu'elles semblent n'être qu'une simple erreur de formulation, lorsque les deux personnages apparaissent comme positifs, très cultivés et adulés par le public universitaire supposément très ouvert, et que ces réflexions racistes sont justifiées par l'agissement de la famille de Roms ?

 

   La seule métaphore dont le film pourrait se justifier d'avoir suivi le sens serait de considérer que "A bras ouvert" symbolise le rapprochement entre "gauche" (le terme politique) et "gauche" (le synonyme de maladresse). Ce long-métrage de Philippe de Chauveron, en plus d'être véritablement raté, est une splendide représentation décomposée de la raison pour laquelle les idées fascisantes progressent malgré l'opposition des mondes culturel, médiatique et politique : une incapacité à lutter contre l'extrême-droite à cause d'une incompréhension totale de ses motivations.

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