cuisine et dépendances
A l'origine, le texte est de Jean-Pierre Bacri et Agnès Jaoui, pour une pièce de théâtre. La réalisation est signée Philippe Muyl mais il partage l'adaptation avec le couple Bacri/Jaoui qui reprend aussi le travail des dialogues pour ce film sorti en 1993.
Les cinq acteurs demeurent, même au fil des années, les indétrônables qu'ils étaient au moment de la sortie française, le 7 avril 1993. D'abord on trouve l'exécrable Jean-Pierre Bacri, ensuite le naïf Sam Karmann, la malheureuse Zabou Breitman, la charismatique Agnès Jaoui et enfin l'immature Jean-Pierre Daroussin. Tous ensemble forment un tourbillon qui ravage la cuisine d'appartement dans laquelle se déroule l'intégralité du film. Leurs talents d'interprétation sont plus que jamais indéniables au point de ne pouvoir trouver durant tout le long-métrage la moindre faiblesse.
La musique meuble les très rares passages sans dialogues avec des airs hérités du flamenco et composés par Vladimir Cosma afin de rythmer toujours davantage les scènes exacerbées que forment les réunions d'acteurs à l'écran.
Le film comporte, en plus de tout cela, une symbolique subtile mais omniprésente. En témoigne l'immense couloir qui sépare la salle à manger dans laquelle on ne pénètre jamais et où tout semble se dérouler pour le mieux, et la cuisine où chaque personnage vient vider son sac. Preuve en est aussi des habits des protagonistes qui, plus ils sont colorés, plus ils témoignent de la détresse camouflée des personnes qui les portent.
"Cuisine et dépendances" est un bijou des films adaptés de pièces de théâtre et témoigne du talent inimitable du duo Bacri/Jaoui à transcrire les rapports sociaux entre les individus en réunissant des personnages plus seuls que l'apparence ne semble le dire. Leurs textes ne forment pas une comédie, mais bien un drame relationnel, une incapacité à communiquer, une trop difficile sociabilité. Le comique forcené du résultat est issu du talent d'interprétation qui ne manque à aucun acteur de la distribution et qui aboutit à une beauté extrêmement sensible.
