Legend
Après "Les Duellistes" (1977), "Alien, le huitième passager" (1979) et "Blade runner" (1982), Ridley Scott dévoile "Legend" le 18 avril 1986. Dans ce film, Scott s'initie à la fantaisie avec une histoire féerique dans laquelle un Seigneur démoniaque souhaite tuer deux licornes sacrées afin d'asseoir les ténèbres sur le monde.
Bien évidemment, aucun rapport avec la réalité. Le temps, le lieux et les personnages sont totalement imaginaires et créent un univers particulièrement manichéen dont l'inspiration est issue des contes de fée. Le scénario semble exactement à mi-chemin entre les fables moralistes et les écrits de fantaisie comme "Le songe d'une nuit d'été".
De plus, la totalité de l’œuvre prend une dimension très biblique grâce à plusieurs éléments. D'abord par l'aspect systématiquement binaire de l'histoire avec le camp de la lumière et le camp de l'obscurité. Ensuite par les nombreuses allusions qui parsèment le film, comme la réécriture de la fresque de la chapelle Sixtine entre le doigt du Seigneur des Ténèbres et le nez de son serviteur. Enfin par les dialogues mystiques aux répliques parfois très mystérieuses. Les échanges revêtent des allures de paroles prophétiques et semblent sorties d'écrits religieux tandis que les décors agrémentent le long-métrage d'un cadre féerique et complètement surnaturel.
Ce caractère mystique est renforcé par une direction de la photographie absolument réjouissante. Les lumières sont utilisées à leur maximum afin de souligner les singularités multiples des personnages ou des lieux. L'obscurité et la lumière sont travaillées avec une grande attention, plus particulièrement sur la valeur qu'ils ajoutent au physique des personnages, comme si ceux-ci apportaient tout un écosystème et modifiaient, en apparaissant, tout le monde dans lequel ils évoluent. On remarquera en particulier la scène de la danse dans l'antre de la Bête avec le personnage aussi énigmatique qu'obscur dont on ne peut voir le visage à aucun moment alors que la Princesse l'accompagnant est en pleine lumière du début à la fin. De plus, cette photographie si pointue est additionnée à une gestion très artistique des couleurs.
On ne peut évoquer ce film sans porter un immense compliment aux équipes ayant travaillé sur les costumes et les maquillages. Testant le maquillage à base de silicone, le film réussit son pari avec des protagonistes aux physiques puissants, charismatiques et souvent magnifique d'un point de vue artistique. Ainsi, on remarquera tout particulièrement le Seigneur des Ténèbres avec ses élégantes cornes semblant défier les lois de la gravité, ce qui ajoute du mysticisme au personnage.
A la tête de la distribution, on retrouve un Tom Cruise dont la carrière n'avait commencé que quatre ans auparavant dans "Un amour infini" de Franco Zeffirelli. Même s'il semble, dans ce film, avoir quinze ans, il faut reconnaître que l'interprétation de son rôle n'a pas pu être une facilité artistique et résulte d'un décalage total avec le registre dans lequel le spectateur est habitué à le voir. A ses côtés, Mia Sara interprète Lili, et le Seigneur des Ténèbres revient au talentueux Tim Curry dont le rire est un véritable soutien au personnage.
Le film est, en définitive, une fable très travaillée et bourrée de références ou d'inspirations. Mettant en valeur le labeur de toutes les équipes qui ont participé à la création du long-métrage, Ridley Scott réussit avec talent un exercice ardu et inhabituel.