Le fils de Saul
C'est le 11 juin qu'est sorti, en Hongrie, le film ayant remporté le Grand Prix du festival de Cannes 2015. Son histoire est celle de Saul Auslander, un Sonderkommando des camps de concentration obsédé par l'idée d'enterrer un enfant retrouvé vivant dans une chambre à gaz puis tué par un médecin allemand.
Le film s'ouvre sur un plan séquence oppressant tourné avec une caméra semi-subjective posée à l'épaule. La nuque du personnage principal occupe alors une grande partie de l'image et il en sera ainsi durant la quasi-totalité du long-métrage, ce qui présente un point de vue subjectif sans pour autant prendre la place de Saul.
Bousculée, la caméra décrit des mouvements saccadés qui semblent profiter des occasions offertes par les différentes situations pour adopter un meilleur point de vue. On remarquera que les longs plans-séquences parsèment l'oeuvre hongroise avec une pertinence à toute épreuve. La proximité avec le personnage principal appelle de surcroît l'utilisation du hors-champs et de la suggestion.
La direction de la photographie renchérit sur cette base troublée et chahutée avec des teintes et des lumières ternies, sombres, sales. Les pièces sont sans fenêtre, la vue est sans cesse obstruée, des scènes se déroulent de nuit, les non-couleurs envahissent l'écran en apportant un désespoir contagieux.
Les dialogues, peu nombreux, appuient la déshumanisation manifeste. Ainsi, si les cinq sens sont en permanence stimulés par une image dévoilant trop peu de détails, ceux des personnages sont supprimés par les situations dans lesquels ils se trouvent afin de creuser l'écart entre les protagonistes et le spectateur. A ce sujet, les acteurs interprètent merveilleusement des rôles peu communs et encore moins aisés. La gravité teinte le long-métrage d'une noirceur glaçante.
En toile de fond, le spectateur retrouvera la rationalisation de la mort. Face à la suppression des individus, Saul tentera d'enterrer un enfant afin de matérialiser la mort par le passage à un autre état, voire à une existence différente, plutôt que de laisser le défunt disparaître et cesser d'exister.
Le bruit, assourdissant et déstabilisant, couronne ce long-métrage recherché et puissant. De tous les points de vue, le film opte pour des difficultés techniques et des prouesses de réalisation et d'interprétation propres à faire trôner "Le fils de Saul" parmi les quelques films capables, sans tomber dans la médiocrité, ni dans le spectacle, ni dans le cliché, de se rapprocher au maximum de l'extermination des Juifs par les nazis.