pi
Darren Aronofsky réalise cet étrange film, qui est d'ailleurs le premier du désormais célèbre réalisateur, en 1998 grâce à des donations et en ne s'appuyant, du même fait, que sur un budget très restreint. Le film remportera le prix du meilleur réalisateur au festival de Sundance.
Le scénario raconte l'histoire de Maximillian Cohen, un brillant mathématicien obsédé par les suites de chiffres, les formules et les calculs.
Le film est construit de manière à faire souffrir le spectateur.
D'abord visuellement avec une direction de la photographie des plus brillantes. Elle est menée par Matthew Libatique et utilise le noir et blanc avec un talent peu commun et un art absolument immense. Les flashs aveuglants s'ajoutent aux surexpositions pour électriser l'oeil et provoquer des ruptures dont les séquelles s'additionnent jusqu'à la fin du film. Les scènes tournées caméra à l'épaule secouent le spectateur pour lui faire vivre l'enfer dont est victime le personnage principal. La rapidité de leur déroulement et de leur capture rend impossible le décryptage des images et relève d'une frustration qui s'alimente aussi des passages quand lesquels on ne peut que deviner des formes ou ceux durant lesquels l'image est complètement troublée.
Ensuite intellectuellement. Le film est une oppression permanente qui nous projette, tantôt par une caméra subjective, tantôt en nous faisant voir des liens hasardeux entre les choses ou en nous transmettant visuellement la douleur atroce de l'esprit malade, obnubilé et vidé de toute liberté à force d'obsessions.
La musique allie des passages lents et doux à de longues partitions ultra-violentes qui font se superposer des basses assourdissantes, des tambours rapides, des rythmes effrénés et des bruits crissants, stridents allant jusqu'à l'insupportable.
Ce film est l'aube de l'art aronofskien : un long-métrage qui se vit et qui brise le quatrième mur, une véritable expérience qui dépasse le cinéma pour se loger dans l'intellect.
