Doctor Strange
Dernier film produit par les studios Marvel à sortir en 2016 après "Captain America : Civil War", ce film fait entrer un nouveau personnage dans le Marvel Cinematic Universe. "Doctor Strange", sorti le 4 novembre 2016, est le quatorzième long-métrage de la planification prévue par les célèbres studios de production.
Stephen Strange est un neurochirurgien talentueux et réputé exerçant son métier jusqu'au jour où, par sa faute, sa voiture de course heurte la paroi d'une falaise le long de laquelle elle passait à toute allure et est projetée dans un accident spectaculaire. Pendant les tonneaux que décrit l'automobile, ses mains sont écrasées contre le tableau de bord, l'empêchant ainsi d'exercer sa profession par la suite. Afin d'en retrouver l'usage, il part tester une méthode asiatique de contrôle nerveux, laquelle se révèle finalement être une école de sorcellerie impliquant un multivers complexe et bourré de forces obscures souhaitant détruire la Terre.
Alors que ce film est le deuxième de la troisième phase du MCU, Marvel ne cesse d'élargir les potentiels dangers que court l'Humanité, bien au-delà de son propre monde. La première étape avait été de présenter l'univers mythologique de "Thor" (2011), et ses pierres d'Infinité qui concentrent l'intrigue principale du MCU et ont des répercussions sur Terre. La deuxième étape avait été, en 2014, la découverte d'un nouveau système solaire dans "Les Gardiens de la Galaxie" dont on comprend que l'interaction avec la Terre ne va pas se faire attendre très longtemps. Troisième étape : la découverte de nombreuses dimensions superposées et permettant à de puissants sorciers d'influencer les différentes strates de ces réalités imbriquées et de séparer ou confondre plusieurs univers.
Plus simple à appréhender que le système Nova des Gardiens découvert deux ans plus tôt, le scénario fait preuve d'une progressivité agréable mais extrêmement classique. On découvre un développement en trois phases, ce qui demeure une constante Marvel autant qu'une manière très conforme de faire assimiler une construction scénaristique vendeuse.
En ce qui concerne les personnages, Stephen Strange, joué par Benedict Cumberbatch, est une véritable faille. On ne peut voir, dans son personnage caricatural, qu'un retour de la psychologie Tony Stark mise en avant dans le fil des Iron Man, à une différence près : Stephen Strange a vécu un accident l'amputant de sa capacité à exercer l'activité qui nourrit son ego. On pourrait considérer que ce point de différence est déterminant dans la trajectoire du personnage, néanmoins son attitude est la même après l'accident, agrémentée simplement d'une furtive obsession. Son comportement prétentieux en arrivant au temple démontre une psychologie très linéaire et profondément plate.
Le personnage de Kaecilius joué par Mads Mikkelsen trace, quant à lui, le parcours de l'homme providentiel plongé dans le fanatisme destructeur, avide de pouvoir et de contrôle déterminant. Du Dark Vador de la saga Star Wars démarrée en 1977 au Ian Howe de "Benjamin Gates et le trésor des Templiers" (2004) en passant par le Saroumane du "Seigneur des Anneaux" : le cinéma a toujours regorgé de personnages de cette ligne psychologique, ce qui affadit sa prestation pourtant très juste ainsi que l'impact du protagoniste.
Le personnage intéressant de ce film est l'Ancien, la grande sorcière dont l'interprétation a été confiée à Tinda Swinton. Subjuguante de charisme et de froideur, elle aborde le protagoniste énigmatique avec la prestance que nécessite ce rôle étonnant et original. Finalement, c'est probablement le personnage comportant la densité psychologique la plus importante du film, laquelle est d'ailleurs rehaussée par un physique épuré, sculpté avec justesse et précision.
La palme du travail visuel peut revenir, dans ce long-métrage, à deux résultats satisfaisants. En premier lieu, les effets spéciaux qui utilisent à la fois des techniques que l'on retrouvait dans "2001 – L'odyssée de l'espace" (1968) avec les déchaînements de couleurs et de formes abstraites tels qu'ils surviennent au moment où le personnage principal traverse l'espace-temps, mais aussi des effets que l'on pourrait qualifier de réalistes en ce qu'ils entrent dans la rationalité du récit. A titre d'exemple, on citera l'envahissement du monde par l'univers noir qui rappelle à la fois les événements de "The Avengers" (2012) mais aussi les couleurs éclatantes et outrancières de "Les Gardiens de la Galaxie" (2014).
En second lieu, on reviendra brièvement sur les costumes, véritables réussite du film en ce qu'ils matérialisent les découvertes faites par le spectateur durant le film. Le scénario présentant un panel de personnages et de fantaisies totalement nouveaux, ce qui ne pouvait aller sans le modelage de vêtements appropriés à une culture mystique et mystérieuse qui renforce le physique des protagonistes.
En définitive, ce "Doctor Strange" est un élément déterminant dans l'univers Marvel car, utilisant des ressorts déjà présents dans les opus précédents, il ajoute une dimension jusqu'alors inconnue par les spectateurs ainsi qu'une certaine qualité visuelle. Néanmoins, il ne se différencie pas des autres longs-métrages signés par Marvel en ce qu'il contient une certaine tendance à présenter au public de lourdes erreurs ou – au mieux – de terribles omissions versées au pied de la rentabilité hollywoodienne.