eXistenZ
Dans un monde tout à fait actuel, des créateurs de jeux-vidéo ont mis au point un matériel faisant plonger le joueur dans un monde imaginaire grâce à un bio-port implanté dans leur corps et relié par une sorte de cordon ombilical à une manette composée de chair, d'os et d'organes. Le monde des joueurs est leur réalité, augmentée d'événements surréalistes et fictifs.
Dès la première scène, le spectateur est happé par le scénario, comme les personnages le sont par le jeu. La mise en abîme cinématographique est une véritable immersion grâce à laquelle on est certain d'être dans un long-métrage de David Cronenberg : de l'originalité, du gore, une histoire qui ne tarde pas à commencer, une réalité qui se confond à la virtualité et un mystère omniprésent.
Les effets visuels sont, comme de coutume, irréprochables lorsqu'il s'agit de maquettes sanglantes et de faux morceaux de chair disséqués façon boucherie. On découvre ainsi un monde étonnant avec des animaux mutants dont l'illusion est parfaite, des manettes de jeu mues par des organismes biologiques internes et des décors agrémentés de morceaux de corps sanguinolents. De plus, la marque Cronenberg est présente sur un autre point : la sensualité permanente jusque dans le gore et jusque dans les objets. L'habileté du réalisateur est d'autant plus manifeste que le scénario mélange des faces aussi multiples que subtiles et aussi brutales que variées.
La réflexion du film est, comme souvent avec David Cronenberg, basée autour du progrès, de la spéculation autour de la réalité et des dimensions emboîtées, tout comme dans un film beaucoup plus récent de Christopher Nolan. D'ailleurs, le twist final de "eXistenZ" rappelle étrangement la référence dont il est implicitement question. Si l'on connaît la filmographie de Cronenberg, il faut avouer qu'on s'y attend. Mais les retournements sont toujours aussi saisissants malgré des dialogues très faibles allant parfois jusqu'à expliquer des raisonnements que le spectateur avait déjà compris.
La caméra se pose en observateur tantôt prenant la place des personnages, tantôt les regardant de haut afin de les ridiculiser et de les écraser. C'est ainsi que David Cronenberg nous présente l'un de ses films les plus susceptibles d'interprétations, les plus travaillés et les plus chargés de sens. De son titre à son fond, tout est orchestré avec précision, avec intérêt et avec essence.