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Gangs of New York

 

    Le 20 décembre 2002, après une date de sortie plusieurs fois repoussée, notamment à cause des attentats du 11 septembre 2001, sort "Gangs of New York". Cette nouvelle réalisation italo-américaine de Martin Scorsese aborde, dans un long-métrage de presque trois heures, l'affrontement des gangs rivaux en plein cÅ“ur de la future grande ville des États-Unis.

 

     Plusieurs années après la mort d'un chef de groupe irlandais dans un affrontement avec le groupe des Natifs, le fils de ce Prêtre assassiné revient dans le quartier des Five Points afin de se venger. Dans un synopsis pivotant étroitement autour de l'histoire d'un personnage, Scorsese aborde simultanément l'affrontement fratricide du peuple américain broyé dans la guerre civile, les conflits entre les différents groupes mélangés dans la nouvelle nation mais aussi la rivalité entre les leaders politiques baignant dans le clientélisme.

 

     Le film s'ouvre avec un séquence originale quoique peu efficace que l'on croirait tirée d'un mélange entre la loufoquerie violente d'un "Mad Max", les dégaines longilignes et charismatiques d'un film de Sergio Leone et les détails bariolés trempés d'auto-dérision artistique d'un Burton. Sauf qu'on a un peu de mal à savoir si la mise en scène grossière et cliché est une véritable auto-dérision ou un sens du spectacle raté.

 

   En ce qui concerne le reste du film, la mise en scène est largement à la hauteur avec des caméras originalement placées comme lors de la scène où Leonardo diCaprio se retrouve allongé sur une table dans la salle de théâtre. Après la fin de cette première scène, l'organisation visuelle du film prend en propreté et en qualité avec des séquences durant lesquelles les personnages ciselés à l'image imposent leur marque dans un décors pourtant extrêmement riche et soigné.

 

      A l'origine de cette combinaison réussie, le travail de Dante Ferretti et de Sandy Powell, respectivement pour les décors et les costumes, ajoute une véritable touche d'expérience artistique. Ferretti est connu pour avoir collaboré avec de grands réalisateurs parmi lesquels Pasolini, Zeffirelli, Fellini, Gilliam, Scorsese ou Burton, remporté trois Oscar des meilleurs décors et conçu le parc relié à la Cinecitta romaine. Son labeur efficace concerne aussi bien les reconstitutions des rues que les intérieurs rudimentaires ou riches en détails.

 

    De son côté, Sandy Powell, elle aussi vainqueur de trois Oscar mais dans le domaine des costumes et habituée de la filmographie récente de Scorsese, a conçu des vêtements pour le moins adéquats. DiCaprio se retrouve ainsi affublé d'un accoutrement pauvre et débraillé tandis que Daniel Day-Lewis bénéficie d'un costume élégant et long, souvent accompagné d'un haut de forme qui lui prête une silhouette à la fois loufoque et absolument charismatique. Cameron Diaz profite de robes finement ciselées qui imprègnent ses apparitions, seule touche féminine du long-métrage.

 

     Afin d'accompagner ce travail minutieux, Scorsese orchestre, avec le très talentueux Michael Ballhaus (lequel a travaillé avec Coppola, Fassbinder, Petersen ou Nichols), une photographie mettant en relief décors et costumes dans un enchevêtrement de subtilités. Lumières, soleil, bougies, torches, fumées, incendies : le moindre détail est immédiatement repris en rehaussement du visuel général et utilisé afin de retranscrire l'atmosphère sombre, inquiétante et électrique du scénario.

 

     D'ailleurs, force est de constater que Day-Lewis emporte largement la lumière du film avec lui en présentant une interprétation époustouflante. Inquiétant et délirant, tyrannique et passionné, respectueux et agressif, son personnage du Boucher est la magnifique illustration d'un homme dangereux parce qu'ayant l'âme d'un meneur, coincé dans une époque qui progresse trop vite pour lui et échappe à son contrôle.

 

    "Gangs of New York" est un film puissant et soigné, baigné de travail artistique jusque dans ses partitions judicieusement choisies et s'achevant par le fameux morceau de U2 "The hand that built America", récompensé par l'Oscar de la meilleure musique originale.

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