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Psychose

 

   C'est le 8 septembre 1960 que le grand public découvre le film qui restera le plus noir de la filmographie hitchcockienne : "Psycho", l'histoire de Marion Crane qui, après avoir volé 40 000 $ à son patron, passe se reposer dans un motel où le gérant, Norman Bates, vit sous l'emprise d'une mère meurtrière.

 

    Si le film s'inscrit dans le genre du thriller, le terme d'horreur le qualifierait tout autant, eu égard à l'année de sortie. Dès le générique initial et sa dualité visuelle, la partition provoque un sentiment d'angoisse pressante qui perdure durant tout le long-métrage. C'est sous la main de Bernard Herrmann que la bande originale prend forme et constitue un atout majeur de la réalisation. Deux morceaux resteront notamment parmi les plus fameux du 7ème Art : l'extrait du voyage en voiture de Marion Crane et celui de la scène de la douche.

 

   La musique animant la fuite automobile de Marion Crane traduit une véritable angoisse, un sentiment de fuite en avant et d'obsession. Le rythme rapide et les cordes frottées traduisent avec brio durant de nombreuses minutes les impressions du personnage représenté à l'écran.

 

    La partition utilisée pour la fameuse scène de la douche est désormais d'une célébrité totale. Elle accompagne de ses sons stridents et difficilement supportables une véritable prouesse cinématographique. En effet, c'est sur cette scène qu'Alfred Hitchcock a dû travailler afin d'éviter la censure américaine mise en place par le Code Hays. Cette règle interdisait au cinéma la nudité ainsi que les actes criminels détaillés. Ainsi le réalisateur présente une scène durant laquelle un crime est commis sous une douche, sans que des éléments de nudité n'apparaissent ou que l'arme ne pénètre dans la peau devant la caméra. Pourtant, la scène comporte du sang, des coups de couteau et de nombreux plans sur le corps de Janet Leigh. C'est par le jeu de la suggestion que ce miracle est possible. Chaque coupure de plan donne au spectateur l'impression de voir un coup de couteau, impression qui se retrouve renforcée par la musique. Chaque plan sur l'actrice laisse au spectateur le soin d'imaginer le reste de son corps meurtri. Enfin, les hurlements et les plans sur le couteau s'abattant sur la victime appuient cette suggestion.

 

    Le sang tombant dans l'eau de la baignoire met en valeur le travail de l'équipe de la réalisation sur un autre point : l'utilisation de la photographie. Partout, le film semble vibrer sur une dualité. Noir et blanc s'affrontent constamment et puissamment. On remarque cette opposition dès le générique, où les écritures se retrouvent nettement découpées. Les jeux d'ombres se multiplient, présentant une habileté évidente concernant l'esthétisme de l'image. Ainsi, sur le visage d'Anthony Perkins (l'interprète de Norman Bates), les lumières et les obscurités soulignent à la fois ses traits mystérieux mais aussi sa dualité obsessionnelle.

 

    La scène de la discussion entre Marion Crane et Norman Bates présente une utilisation habile des plongées et contre-plongées afin de rendre subjective la caméra. Jusqu'alors, et ce sera le cas par la suite, la caméra est objective et opte pour des champs symboliques. Lors de cet entretien, Norman apparaît toujours avec l'un de ses oiseaux empaillés, comme s'il était accompagné de son armée de créatures mortifiées. Mario Crane, quant à elle, semble seule et, lorsque la caméra l'affuble d'un oiseau, c'est le corbeau qui est choisi comme pour transcrire une sorte de fatalité morbide.

 

    Les acteurs réalisent, quant à eux, des prestations exceptionnelles. Tantôt mystérieux, tantôt inquiets, tantôt exaspérés, tantôt délicats, ils transcrivent avec une grande qualité la pression vécue par le spectateur. Leurs échanges sont vrais, dangereux et pointus, comme aiguisés. Le visage d'Anthony Perkins, la beauté fascinante de Janet Leigh et l'espièglerie effrontée de Vera Miles sont des démonstrations assumées de talents brillamment exploités par le réalisateur. On retiendra ainsi la subtilité de l'échange Leigh/Perkins, les expressions faciales de Leigh durant la scène de la douche et l'interprétation de Perkins durant la scène finale en illustration de cette appréciation.

 

   Tout dans ce long-métrage traduit à la fois la dureté et la dualité, jusqu'à la psychologie passionnante du personnage central. Le film est une réussite immodérée, une transgression élégante, un fruit talentueux, une pièce d'exception. A la fois un bijou du 7ème Art et le couronnement de la carrière de l'immense Alfred Hitchcock.

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