Les pionniers de la Western Union
Depuis la sortie de "La chevauchée fantastique" (1939) de John Ford, le western connaît une renaissance. Tombé dans l'usine hollywoodienne à bas budget depuis l'échec de "La piste des géants" et l'effondrement économique des années 1930, le genre opère un retour en grâce par le travail de grands noms du cinéma parmi lesquels figure Fritz Lang.
Le réalisateur allemand, après des chefs d’œuvres indépassables, s'applique aux caractéristiques du genre avec un premier film intitulé "Le retour de Frank James" (1940) puis un long-métrage portant le nom, en version originale, de "Western Union" que les États-Unis découvriront le 21 février 1941.
Dans ce film, la Western Union est une compagnie télégraphique. Impulsé par Abraham Lincoln, le progrès de la communication est un élément-clef dans la construction de la nation américaine et dans la liaison entre les États abolitionnistes. Un homme est embauché par la compagnie mais est rattrapé par son passé de hors-la-loi en tombant nez-à -nez avec d'anciennes connaissances sudistes qui feront tout leur possible pour empêcher la Western Union d'étendre ses lignes.
S'ouvrant avec une séquence musicale magistrale, le film reprend les éléments du genre : une ville du Far West, des Indiens, une conquête de territoire, de la corruption, des grands espaces naturels, des histoires de guerre civile, un progrès technologique, une trame de vengeance. Néanmoins, il aurait été peu commun de trouver un film de Fritz Lang sans singularités. Le réalisateur de génie ajoute son célèbre sens de la fatalité et du destin ainsi que la présence obsédante du désastre. Ces deux thématiques chères à Lang brisent les codes du western pour en faire un film plus personnel tandis que le genre demanderait une fin heureuse et une trame moins désabusée.
Les décors sont d'une beauté renversante. Le regain de moyens dans l'univers du western se fait sentir dans ce film en faisant remarquer que les longs-métrage du genre ne sont plus de seconde zone et cantonnés à la série B. Les reliefs et les reflets, les forêts et les déserts, les campements et les villes, les arbres et les rochers : tout cela s'affronte dans une dualité visuelle que Fritz Lang se plait à installer dans ses longs-métrages.
Les immenses étendues calmes et immuables du Far West s'opposent à l'activité continue des hommes et leur soif de domination. Le cynisme envahit tout le film, conformément au cinéma de Lang. Cynisme des colons envers les Indiens, cynisme envers le pouvoir de Washington, cynisme envers le rêve américain, cynisme enfin envers la rédemption et les bonnes intentions.
Le trio d'acteurs masculins est présent avec les interprètes Robert Young, Randolph Scott et Dean Jagger. Il est accompagné de la présence féminine typique des westerns et incarnée ici par Virginia Gilmore qui se veut pivot rotatif des protagonistes masculins comme, par exemple, dans le cinéma de Sergio Leone.
En brisant les codes dans un cadre classique, Fritz Lang se réapproprie le western à l'époque de sa renaissance et reconstruit le genre avec sa propre signature. Le film sort efficace de cette production dont la photographie chaude et chaleureuse donne à l'image une tonalité vive et typique.
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